MONO NO AWARE, L’ÉMOTION NOSTALGIQUE DES OBJETS
Avez-vous déjà ressenti une émotion devant le spectacle d’une nature éphémère (les pétales des fleurs de cerisier qui s’envolent par exemple) ou dans la contemplation nostalgique d’un objet qui vous rappelle de précieux souvenirs ? Alors vous connaissez le mono no aware japonais, ce sentiment né de l’harmonie entre l’esprit et la forme des choses, un concept peu connu lorsque l’on évoque le Japon, mais tellement adapté lorsque l’on pense notamment aux objets dont on s’entoure.
MONO NO AWARE, LA NOSTALGIE DE L’IMPERMANENCE
Dans le magnifique et terrible film d’animation “Le Tombeau des Lucioles”, l’impermanence et la nostalgie des choses prend toute sa force lorsque Seita ouvre la boîte dans laquelle il avait retenu des dizaines de lucioles qui s’envolent dans la pénombre sous l’oeil émerveillé de Setsuko, sa petite soeur. Au matin elles auront disparu. C’est exactement cela le concept de aware, une émotion mélancolique face à un événement, une nostalgie de l’impermanence, une sensibilité pour l’éphémère.
Lorsque à ce concept d’aware on ajoute mono, qui veut dire les choses, les objets, cela rappelle l’émotion que les objets portent en eux, comme autant de madeleines de Proust, des objets qui nous rattachent à des moments, des gens, des lieux, qui nous ancrent dans le présent tout en nous projetant dans le passé. Il y a l’idée d’une impermanence de la beauté, les choses se fanent, se gâtent, s’abiment, cela ne les rend pas moins belles mais nous apporte une nostalgie diffuse.
Mono no aware c’est donc être troublé par la beauté imparfaite des choses et des objets dont on s’entoure, un sentiment tendre et mélancolique.
Ce concept est apparu au Japon au milieu de l’ère Heian (794-1185), qui avait fait de la recherche de la beauté un art de vivre et dont cette quête semble s’être cristallisée dans le mono no aware. Pour en découvrir toutes les facettes il faut se plonger dans "Le Dit du Genji”, l’oeuvre magistrale de Murasaki Shikibu, écrite au 11ème siècle par une femme de la cour, c’est le premier roman au monde. Ce livre est depuis l’ère Heian le référent japonais de tous les critères de la beauté. Passionnant!
NATSUME, MON OBJET MONO NO AWARE
Quels sont les objets qui vous évoquent le mono no aware ?
L’un de ces objets pour moi c’est ce natsume. Les natsume sont des petites boîtes en laque urushi accueillant le thé matcha en poudre lors de la cérémonie du thé traditionnelle japonaise. Je me souviens parfaitement de l’endroit où je l’ai trouvé, un marché aux antiquités à Kyōto, le moment (il y a une quinzaine d’années), la discussion - bancale - avec le commerçant pour comprendre ce qu’était cet objet dont je prenais conscience pour la première fois. Il est un peu ancien, j’aime ses papillons d’un style un peu Art Déco, peints à la poudre d’or (maki-e) qui a gardé son éclat au fil des années, indiquant la qualité de l’objet. Il est un peu abimé, quelques éraflures sur la laque qui a conservé une éblouissante profondeur.
Je ne le savais pas à ce moment là mais cet objet allait devenir le premier d’une passion et d’une collection, pour les natsume précisément. Il n’est pas le plus ancien, le plus spectaculaire, le plus cher de ma collection, mais il est le plus aimé, et celui qui est parfaitement en phase avec le concept du mono no aware. Si vous voulez en savoir plus sur les natsume vous pouvez en retrouver ici, une petite sélection de pièces de très grande qualité.